
Littérature Bigarrée
Les Oubliés de Cézanne – Bernard DERTY
Il est plus aisé de présenter le livre de Bernard Derty sous cette rubrique puisqu’il y a là le large pan du passé latent. Fait avéré, deux cents ans et plus, d’indépendance du pays qui a mis au regret le rêve impérial d’Amérique perdu, de Napoléon Bonaparte croyant finir avec Toussaint Louverture. Il découvre alors Dessalines parmi les racines de ces vers sans poème, pour mémoriser le passé en citant l’avenir. Historicisme oui, mais elle obéit ici à l’historicité.
Citons d’emblée Derty exposé en 4e de couverture : « Charles Guillaume Castaing, venu de la perle des Antilles, Saint-Domingue, épouse la marquise Marie-Françoise de Beauharnais, belle-sœur de la future impératrice Joséphine. Un mariage auquel s’opposera fermement toute la famille, à commencer par Napoléon qui pousse Marie-Françoise à divorcer de son époux. Face à son refus, la marquise et son époux sont contraints de quitter Paris. C’est à Sampigny dans la Meuse, loin de la cour impériale, qu’ils demeureront jusqu’à la Restauration ». Les couleurs sont annoncées.
C’est donc le grand boulevard de l’avenir qui ouvre l’autoroute de l’histoire vécue d’un empereur qui a fait le bagne plus que sur l’île de Sainte-Hélène, mais dans sa psyché restée capitaine, lequel méprisa le général pour devenir général lui-même. Si Paris a jadis renié, le Québec au Canada jure trop par l’amnésie encore. Les Oubliés de Cézanne lui est tout aussi dédié qu’il est rafraîchissant pour l’Haïtien.
Ce qu’écrit Derty, de Napoléon pris entre : origine et sa haine des Noirs
En P.235 «Bonaparte exècre les noirs, peut-être a-t-il un compte à régler avec ses ancêtres ? […] Francesco le Maure de Sarzanne. Mercenaire au service de la République de Gêne, il s’est installé en Corse en 1514 […] un Maure aussi noir que peut l’être Othello le personnage de fiction du Maure de Venise de Shakespeare. Le teint olivâtre qu’il a hérité de son ancêtre maure, a valu au petit Napoleone Buonaparte les sarcasmes de ses condisciples du lycée militaire de Brienne… ».
« Il exerce sur Jablonowski ses premières saillies « racistes ».
Ainsi, un pan d’historicité par une voix médiatique que Bernard Derty nous ramène à la joie de l’histoire. Pour l’Haïtien, pas la peine de la cacher, si l’on considère toute la peine cachée de la France jusqu’à la honte de l’ignorance du Québec xénophobe.
Ce qu’écrit Derty, de la France sur la notion du crime atroce prémédité
En P.118, la marquise en prison : «La ci-devant marquise de Beauharnais se désespère au fond de son cachot, Sainte Pelagie n’est pas plus accueillante que la prison des Carmes, sombres couloirs, murs froids et épais suintant l’humidité et la crasse, tout pour réduire au désespoir. […] Marie Françoise est malade, elle souffre d’un abcès au sein»
Et aussi, à la lâcheté pour le Canada qui célèbre ceci, cache cela, accuse en sélective.
À la trahison et au complot des É.-U. À la négation cultivée de l’ONU invitant Paris.
Ce qu’écrit Derty, de Napoléon sur la notion du racisme
En P.236 : «son mépris à celui qui après avoir été l’Horatius Coclès du Tyrol n’est plus appelé que «le nègre», il lui refuse […] pension de retraite, ne faisant preuve d’aucune […] pour venir en aide à sa veuve et son jeune fils, Alexandre Dumas».
Bernard Derty nous ramène au-dedans d’un monde autre que celui contemporain, et pourtant, les mêmes notions sont présentes aujourd’hui, avec des acteurs nouveaux. Ce sont ceux qui embrassent les amours inconnus des anciens sans vraiment lire la familiarité du crime esclavagiste noyé dans un mot. Circonvenir : esclavage moderne. L’Amérique du Nord que l’on croit si bien souffrir, renferme autant de secrets si bien gardés, et si bien cachés. L’homme est derrière tout ça.
Ce qu’écrit Derty, de Napoléon sur la notion de sa haine envers Toussaint
En P.121 : «Depuis septembre 1793, l’en-tête des lettres de Toussaint porte la mention «Général des Armées de sa Majesté Très Catholique et Chevalier de l’ordre Royal et Militaire de Saint Louis», il doit ces honneurs de la part des Espagnols, à ses indéniables succès militaires contre les Français. Le Gouvernement de la partie espagnole de Saint-Domingue Garcia est tellement satisfait, qu’il le qualifie de «brave guerrier» et lui confère une médaille d’or de la part du roi d’Espagne. Toussaint en bon politique, souhaite la libération des esclaves dans la partie espagnole et la réunification de l’Île Hispaniola».
La page de Bernard Derty ramène tout ce monde inclus, sur une si jolie petite île. Elle renferme en elle-même tant d’histoires, quid de celle de l’Amérique dont l’ordre des arrogants est la caste en filii d’anciens voleurs et même, d’assassins si l’on emploie l’usage du crime.
Ce qu’écrit Derty, de la France sur la notion de l’humanité et du crime
En P.119 : «Pendant ce temps, Marie Françoise continue de s’abîmer au fond d’un cachot de Sainte Pelagie. Malade, elle parvient à être transférée à l’hôpital-prison de port Libre, anciennement Port Royal»
Le livre navigue d’autant plus loin que l’insulaire saint-domingoise devenue Haïti par l’indépendance reconnue via la Guerre de l’Indépendance. Fils de tout rang de ladite histoire, on les retrouve sous le sceau de : Américain, Yankee, Canadien, Amérindien, Québécois, Montréalais, Mexicain, Dominicain. Bref, névrosé, sclérosé font partie du mal qui est transmis, à chacun son tour. Ainsi, le crime de Napoléon vit encore en Bonaparte célébré dans les musées du Québec en particulier, par exemple.
Ce qu’écrit Derty, de Napoléon sur la notion de la migration nordique
En P.234 «Certes, son épouse était née dans une famille esclavagiste de la Martinique mais ne partageait pas l’aversion que pouvait avoir Napoléon pour les noirs. Ironie de l’histoire, c’est un mulâtre Jean Baptiste Pointe du Sable né à Saint-Domingue qui fonde au nord de cette Louisiane qui aurait pu être française, la ville de Chicago. Les descendants de ces nègres qui ont battu l’armée napoléonienne et brisé le rêve de Bonaparte auront au cours des ans fait souche dans toute l’Amérique du Nord»
Histoire névrosée de Napoléon en amont, elle devient sclérosée par l’émotion qui se transmet dans les sociétés, avec l’immanence de l’impunité acquise en fonction de.
Ce qu’écrit Derty, de culpabilité des mulâtres sur la notion de l‘esclavage
En P.120 : «Les blancs tout d’abord mais les mulâtres aussi qui ont du mal à avaler l’abolition de l’esclavage dans la colonie».
Ce qui aujourd’hui encore règne en pestiféré dans le mental de certains mulâtres en Haïti, qui, en dehors du pays, crient contre la discrimination, le racisme, la xénophobie des Blancs, mais une fois en Haïti, régénèrent le même pattern.
Le sang mêlé se sent bâtard et le fait payer en définitive, au Noir coupable de sa présence dans les lieux comme dans le sang. De là : prison, exil, esclavage. Et en face : pouvoir, noblesse, richesse.
Ce qu’écrit Derty, de Napoléon sur la notion de la richesse
En P.236 : «marié à la vicomtesse pour la fortune de sa famille antillaise et qui n’a épousé que ses dettes, a-t-il quelques regrets ? Lui, qui s’est marié à la seule fortune sa cape et son épée, peut-il s’expliquer la « folie » de Françoise de vouloir épouser un nègre malgré l’opposition de toute sa famille à commencer par sa fille Émilie»
Un nom retenu, entre autres, pour l’épiderme, dans ce livre : Moreau de Saint-Méry.
Il faut lire les Oubliés de Cézanne, et non se le faire conter.
- couverture 1




